Blogue Chien

L’agressivité chez le chien

L’agressivité chez le chien n’est que très rarement imprévisible. Pour la prévenir, il est essentiel d’en connaître le fonctionnement.

Qu’est-ce que l’agressivité chez le chien?
Il faut toujours avoir à l’esprit que l’agressivité fait partie du mode de communication chez le chien. Tous les chiens peuvent mordre un jour ou l’autre. Un qui n’a jamais mordu pourrait le faire un jour et un autre qui a déjà mordu pourrait ne jamais mordre de nouveau, comme il pourrait recommencer.

La raison pour laquelle certains chiens se montrent très agressifs, alors que d’autres ne semblent absolument pas pouvoir l’être, s’explique, notamment, par ce que l’on appelle le seuil de tolérance. Il s’agit de ce que le chien peut supporter, dans l’absolu, mais aussi du point de vue de la remise en question de son rang hiérarchique. Par exemple, un chien qui a peu de tempérament passera à l’agressivité après avoir été bousculé 50 fois, alors qu’un chien à fort tempérament se servira de l’agressivité à la première bousculade.

L’agressivité n’est pas antinomique avec la sociabilité. Des chiens très sociables peuvent se montrer très agressifs. La sociabilité se définit comme la capacité à pouvoir communiquer, et puisque l’agressivité fait partie intégrante de la communication chez cette espèce, un chien agressif n’est pas un chien asocial.

L’agressivité n’est pas une fin en soi, mais un moyen. Un moyen de conserver ou d’acquérir un statut social. À ce titre, l’agressivité a une fonction sociale, celle de maintenir une cohésion au sein de la meute. Elle sert à se défendre en cas de peur ou lorsqu’un chien est blessé ou qu’il se sent diminué. Elle est utilisée pour attraper une proie, ce que l’on appelle l’instinct de prédation. Cet instinct est présent chez tous les chiens, mais plus ou moins fortement. L’agressivité sert également à défendre son territoire.

L’agressivité sert donc à régler un conflit hiérarchique, à se défendre, à défendre son territoire et à maîtriser ou tuer une proie.

Qui est agressé par un chien, et pourquoi?
Une large partie des agressions est dirigée vers la famille et l’entourage proche, il s’agit des agressions liées au statut hiérarchique que l’on a accordé au chien ou à la place à laquelle celui-ci veut accéder. Un chien se servira de l’agressivité pour contrôler ce qui lui donne du pouvoir, et le pouvoir reste sa quête principale, d’autant plus qu’il n’a plus besoin de se soucier de ses repas, ce qui à l’état sauvage lui prenait pas mal d’énergie, et il devait en conserver pour chasser. Un chien va donc mordre pour défendre son statut ou pour en prendre un nouveau.

Après leurs premières chaleurs, les femelles entrent de façon soudaine dans une hiérarchie d’adulte. Elles se mettront donc à défendre le statut hiérarchique qu’elles pensent avoir acquis ou à agresser pour accéder à un nouveau statut. Il y a un niveau maximum d’agressivité chez les femelles après les premières chaleurs. Chez les mâles, les tentatives d’affirmation sont beaucoup plus progressives. Elles arrivent à plusieurs moments qui correspondent à des montées de testostérone. Et à la maturité sociale entre un an et deux ans, le chien défendra avec plus d’acharnement le statut qu’il aura acquis. Ce statut est défini par les places qu’il occupe sur le territoire, par l’endroit et l’ordre qu’il occupe pour manger, par l’initiative qu’il prend ou non des contacts physiques et par la sexualité.

Chez vous, les visiteurs qui entrent ou les passants peuvent être victimes de l’agressivité de votre chien, parce que celui-ci défend son territoire. Les personnes que votre animal croisera en promenade, surtout les joggeurs, les cyclistes du fait de leurs rapides déplacements, ont tendance à réveiller l’instinct de prédation chez le chien. Le vôtre pourrait leur courir après et même les mordre pour attraper ce qu’il considère comme une proie.

Les enfants sont souvent les victimes des morsures de chien à deux périodes sensibles. La première, lorsque l’enfant se déplace seul, et la deuxième à la puberté. Une étude menée par le Système canadien hospitalier d’information et de recherche en prévention des traumatismes démontre bien ceci. Tous âges confondus, les morsures dirigées vers les enfants de moins d’un an représentent 6,5 % des morsures, et ce pourcentage grimpe à 22,1 % pour la tranche des 2-4 ans. Pour les 10-14 ans, ce pourcentage est à peu près similaire, puisqu’il est de 23,6 %, mais chute à 5,3 % pour les 15-19 ans.

Les enfants qui acquièrent la motricité explorent l’univers qu’ils ont pu observer pendant de longs mois, et le chien en fait partie. Ils saisissent les objets et voudront saisir le chien et même monter sur lui dans un élan de découverte. Le chien pourrait alors être agressif pour repousser un contact désagréable ou pour soumettre un enfant. L’animal à fort tempérament n’acceptera pas toujours, pour des raisons hiérarchiques, un contact initié par un chiot ou que le chiot mette une partie de son corps au-dessus de l’une des siennes (ce qui est perçu comme de la domination) et se servira de l’agressivité pour imposer des limites. L’attitude d’un chien est la même que ce soit un chiot ou un enfant.

Les bagarres sont fréquentes chez l’espèce canine. Deux chiens cherchant la domination se bagarreront jusqu’à ce que l’un des deux se soumette, ce qui peut parfois mener assez loin. Par contre, dès qu’un chien se soumet, la bagarre doit s’arrêter aussitôt. Un dominant agressera un subordonné pour le rappeler à l’ordre. Un dominé agressera un dominant pour lui prendre sa place. La puberté chez le chien est un âge critique au point de vue de l’agressivité. C’est un âge où le chiot devenu adulte devra se positionner vis-à-vis de ses congénères, et l’agressivité en est le principal moyen.

L’agressivité chez le chien en tant que pathologie
Ce chapitre se veut purement informatif et ne sera pas approfondi, puisque des chiens qui agressent de façon pathologique ont des réactions souvent imprévisibles et difficilement contrôlables. Mais rassurez-vous, je n’ai rencontré que très peu de chiens de ce genre, mis à part les chiens peureux.

L’agressivité prend des proportions démesurées et imprévisibles lorsque le chiot a été mal socialisé, sociabilisé et mal imprégné. Lorsque les chiens se trouvent en groupe, il y a un effet de meute qui n’arrête pas l’agression d’un individu même soumis.

Lorsqu’un chien a été mal imprégné, c’est-à-dire que son cadre de vie à l’élevage l’a privé de sollicitations et de stimulations, il présentera des comportements de peur dans de multiples situations. On appelle ça le syndrome de privation sensorielle. Le chien peureux a une forte tendance à mordre pour se défendre. Il se sentira agressé dans de multiples situations. Bien que cette attitude soit naturelle, la morsure n’appartient plus à un rituel, car l’animal ne contrôle plus la pression exercée par sa mâchoire. Autrement dit, il n’y a plus de morsures inhibées, seulement des morsures qui souvent peuvent entraîner des lésions très graves.

Lorsque les chiens sont en groupe, il y a un effet de meute qui n’arrête pas l’agression d’un individu même soumis. Ce qui est pathologique, ce n’est pas l’agression de groupe, mais que ce type d’agression bafoue une règle d’or chez le chien : la soumission arrête l’agression.

Lorsqu’un chien n’a pas appris les codes canins, parce qu’il a été privé de contact avec ses congénères dès le plus jeune âge, sa propension à être agressif augmente très largement. Cependant, des études ont montré que pour un chien privé de contact avec son espèce qui se développerait dans un groupe sociable, mais d’une autre espèce, ce chien pourrait plus tard se socialiser avec ses congénères. J’ai rencontré un seul chien qui n’était pas sociable. Il s’agissait d’un mâle qui agressait des femelles sans aucune raison et qui n’arrêtait pas de les mordre lorsqu’elles se soumettaient. Ce chien voulait également agresser des humains sans aucune raison.

Il y a des chiens qui agressent à cause de dysfonctionnement biologique, ce qui rend les morsures parfaitement imprévisibles. S’il n’y a pas de remède thérapeutique, l’euthanasie semble inévitable.

Comment prévenir l’agressivité


Dominer son chien
Pour maîtriser et canaliser son chien, il est primordial de le dominer. Le laisser vous dominer lui donnerait la lourde responsabilité de la survie du groupe. Il se trouverait responsable de gérer tout ce qui est vital chez vous et l’un des moyens qu’il possède pour le faire, et dont il se servira, s’avère l’agressivité. Dominer son chien le décharge de la gestion du groupe. Cela fait donc chuter considérablement les risques d’agression, qui deviennent alors presque nuls pour la famille, sauf si le chien dominé tente de s’affirmer. En règle générale, les tentatives de prise de pouvoir d’un chien dominé, si elles sont prises correctement, ne posent pas de problèmes. Ceux-ci se manifestent plutôt quand on veut s’affirmer face à un chien qui domine à l’âge adulte. Cela devient très difficile si l’animal a beaucoup de tempérament, et presque impossible s’il vous menace et qu’il a plus de force physique que vous.

Une de mes clientes cherchait à replacer son chien, un golden retriever de deux ans dans le droit chemin. Elle a été mise au courant trop tard des règles hiérarchiques à lui imposer, car il avait déjà conscience de sa supériorité physique. Ce chien l’avait déjà mordue deux fois lorsqu’elle tentait de l’empêcher de faire quelque chose. Avec un animal de ce type-là, lorsqu’il se sert de l’agressivité pour essayer de vous soumettre, il faudrait, à ce moment précis, le dominer physiquement en le plaquant au sol, sans quoi il aura toujours le dessus sur vous et vous ne le maîtriserez jamais correctement. Si la famille entière domine le chien, les risques de morsures deviennent extrêmement limités pour les membres qui la constituent.

Par contre, cela ne retire en rien son instinct de garde, de prédation, ses réactions agressives en cas de peur et sa volonté de vouloir s’affirmer en dehors du cercle familial, bien que pour une partie des chiens, cette tendance à vouloir dominer peut diminuer si chacun ne se considère pas comme le dominant à la maison. Mais pour maîtriser son chien dans ses agressions dirigées vers l’extérieur, une excellente obéissance est primordiale. Cette obéissance ne peut s’acquérir sans une domination de son chien. Si celui-ci vous domine, il est parfaitement incohérent pour lui de devoir obéir. S’il a un fort tempérament, il ne vous restera que la brutalité pour vous faire obéir, et vous n’obtiendrez jamais le même degré d’obéissance que si vous dominez votre chien.

Alors, comment peut-on dominer son chien?
Dominer son chien ne veut pas dire être plus fort que lui. D’ailleurs, dans les meutes de chiens sauvages, il arrive qu’un tout petit chien domine des molosses. Cela tient plus de la force de caractère, de l’intelligence et de votre capacité à être plus têtu que lui. Pour dominer un chien, il faut contrôler ce qui est vital pour lui. Il faut donc lui montrer que vous gérez la nourriture, le territoire, les contacts, la sexualité, les déplacements et dans une certaine mesure, le jeu.

Dominer son chien ne passe pas nécessairement par la force physique, cependant, dans certaines situations, cette force physique sert à signifier et à confirmer notre statut de dominant. Si vous cédez lors d’un duel physique qui s’engage, cela encouragera votre chien à utiliser l’agressivité lors d’un conflit ultérieur.

Le faire obéir
Faire obéir votre chien sera nécessaire pour prévenir l’agressivité tournée vers les personnes extérieures. Vous n’enlèverez jamais l’instinct de prédation d’un chien. Par contre, vous pouvez l’empêcher de partir après une proie ou le rappeler s’il court déjà après. Pour l’empêcher de défendre le territoire, représenté par la maison, vous lui imposerez de rester à un endroit précis, par exemple sur son panier. Cela le déchargera d’avoir à décider qui peut entrer ou sortir de chez vous. Si un chien a un très fort tempérament, il doit rester à sa place quand des inconnus vont et viennent dans différents endroits de la maison. L’obéissance vous servira également à rappeler votre chien lors des interactions tendues avec ses congénères. Elle vous aidera également à le canaliser lorsqu’il a peur. Lorsque vous chahutez physiquement avec d’autres personnes, il faut éloigner votre chien, car il pourrait défendre ou attaquer une d’entre elles. Il est également important d’éloigner un chien qui se met au milieu d’un groupe, de personnes ou de chiens, car cette position centrale lui donnera le pouvoir de gérer les interactions entre individus.

Il n’est pas évident de faire obéir son chien dans toutes ces situations. Pour obtenir ce niveau d’obéissance, celui-ci doit vous être soumis, et cela passe par les règles de vie à la maison. Il vous faudra également l’aide d’un professionnel compétent.

Maîtriser les interactions d’un chien avec l’entourage
D’une manière générale, il ne faut jamais initier un contact physique avec un chien sans l’avoir appelé et ne jamais aller voir un chien couché, car vous allez forcément l’approcher en étant plus haut que lui. Ce qui peut être perçu comme une posture de domination, d’autant plus que vous allez caresser les parties hautes du chien. Lorsque vous caressez un chien, il faudra toujours le faire sous la gueule ou sur les flancs. Encore une fois, poser la main sur la tête, sur l’encolure ou sur le dos est un signe de domination.

Ce qui diminue sensiblement les risques de morsures, même s’ils demeurent bien réels, quand vous caressez les parties hautes d’un chien, c’est qu’il associe souvent le contact aux caresses, et celles-ci lui sont agréables. Il y a des dangers avec les chiens à fort tempérament. Ne laissez jamais quelqu’un initier un contact de façon brutale avec votre compagnon. Encore une fois, il est préférable que les gens appellent un chien lorsqu’ils souhaitent le caresser. Un chien n’est pas une peluche et ne doit pas être contraint à un contact qu’il ne souhaite pas. Après avoir été appelé, s’il en a envie, il viendra au contact, et dans le cas contraire, cela évitera qu’il se serve de l’agressivité pour refuser. Même si une large majorité de chiens acceptent sans difficulté les interactions humaines spontanées, n’oublions pas les centaines de milliers de morsures annuelles au Québec. Il vaut mieux donc être trop prudent que pas assez.

Il ne faut jamais que votre chien reste sans surveillance s’il se trouve avec une personne qui ne le connaît pas. Et s’il se trouve parmi votre entourage, il est bon, même si vous pensez avoir le plus doux des chiens, de rappeler certaines règles élémentaires. Il ne faut pas retirer un os ou un jouet de sa gueule, ne pas le déranger lorsqu’il se repose, toujours avoir un contact physique avec lui après l’avoir appelé, ne pas aller voir un chien blessé ou affaibli, ne pas l’enjamber ni le saisir. Ne pas laisser un chien venir se mêler d’un jeu qui mime des poursuites et des bagarres.

Une règle très importante à respecter est qu’il ne faut jamais qu’un chien peureux soit acculé. S’il n’a pas la possibilité de fuir, il agressera pour se sortir de cette situation, et lorsqu’un chien peureux mord, il ne contrôle plus la pression exercée par sa mâchoire.

Il ne faut jamais laisser un chien seul avec des enfants. N’oublions pas que selon cette étude canadienne, dans 71,2 % des cas de morsures de chiens dirigées vers un enfant, le chien agresseur est connu de celui-ci et vit dans son environnement proche.

Face à un chien que vous croisez et que vous ne connaissez pas, pour éviter tout risque de morsure, il est préférable d’adopter une attitude la plus neutre possible. Avant de percevoir s’il est plutôt dans une attitude « amicale », l’ignorer est la meilleure solution.

Toutes ces règles tomberaient sous le sens si nous percevions le chien en tant que loup. Alors, n’oubliez jamais que le chien est un loup domestique.

L’importance des conditions d’élevage
L’éleveur est presque entièrement responsable de la sociabilité des chiens et de leur équilibre, les futurs maîtres ne vont que contribuer à poursuivre le travail fait à l’élevage. Certains manquements au sein de l’élevage pourront être, ou seront irrécupérables.

Deux points très importants à respecter par l’élevage
Le premier est qu’il ne faut jamais que les chiots soient séparés de leur mère avant le départ chez leurs nouveaux maîtres. Si pour diverses raisons, la mère ne peut s’occuper des chiots, ceux-ci doivent impérativement être au contact d’adultes. En effet, c’est la mère qui va leur enseigner la morsure inhibée. Vers l’âge de 5-6 semaines, les dents des chiots font irruption et au cours du jeu, ils auront tendance à se faire mal entre eux, mais aussi pendant la tétée. La douleur ressentie par la mère et les cris provoqués par les chiots mordus trop fort par un membre de la fratrie vont provoquer une réaction de la mère, qui va gronder sur le chiot qui est train de mordre et le mordre s’il ne se soumet pas. Lorsque la morsure est douloureuse, le chiot mordu va également mordre à son tour, mais plus fort. Ces interactions vont apprendre aux chiots à maîtriser la pression de leur mâchoire, mais aussi que la soumission arrête l’agression. Sans cet apprentissage, les simples pincements du chien seraient de graves morsures. Malheureusement, beaucoup d’éleveurs séparent les chiots de leur mère. Soit par ignorance soit pour ne pas abîmer les mamelles des mères amenées à participer à des concours de beauté.

Le second point très important est ce que l’on appelle la période d’imprégnation. Cette période s’étale de l’âge de 3 semaines à 3 mois. Elle servira de cadre de référence pour toute la vie du chien. Au cours de celle-ci, les chiots doivent être très stimulés, indépendamment pour chaque sens, et beaucoup surpris. Plus ils le seront au cours de cette période, moins ils le seront à l’âge adulte. On considère qu’un chiot élevé à la campagne jusqu’à 5 mois dans un cadre pauvre en stimulation ne pourra s’adapter à la vie citadine et aux changements. Cette période d’imprégnation est primordiale parce qu’elle conditionne l’équilibre du chien et son degré de peur dans l’absolu. Nous savons qu’un chien peureux est souvent amené à mordre pour se défendre, en ne modérant plus la pression de sa mâchoire. Plus un chien est peureux, plus il a des chances de mordre, et le type de morsure est alors dramatique. Il s’avère donc essentiel de bien choisir l’élevage.